Années de vie en bonne santé : la Belgique chute de la 8e à la 15e place du classement européen [1]
Une étude menée par Sciensano, en collaboration avec l’UCLouvain, met en avant que la Belgique s’en sort moins bien que d’autres pays d’Europe quand il s’agit d’années de vie en bonne santé*. En moyenne, nous « perdons » 20 000 années de vie en bonne santé pour 100 000 habitants. Notons qu’un tiers de cette perte est imputable à des facteurs que nous pourrions, en principe, influencer. Ces prochaines années, Sciensano entend s’investir dans d’autres études de ce genre, qui montrent dans quelle mesure nous vivons réellement « toute une vie en bonne santé ».
Le Belge perd en moyenne 73 jours à cause de maladies ou d’un décès prématuré
Des chiffres de 2016 soulignent que nous perdons en moyenne 20 000 années de vie en bonne santé par 100 000 habitants (soit 73 jours par habitant), ce qui nous place à la 15e place des 28 États membres de l’Union européenne (voir classement ci-après). Les Espagnols, les Italiens et les Français affichent les meilleurs résultats, perdant nettement moins d’années de vie que nous (17 000 à 18 000 environ).
La Lituanie occupe, quant à elle, la dernière place du classement, avec une perte de 28 000 années de vie en bonne santé pour 100 000 habitants.
« Notre espérance de vie élevée nous amène à moins nous attacher à l’âge en tant que tel, et à davantage nous concentrer sur notre qualité de vie, » explique le Dr Charline Maertens de Noordhout, scientifique auprès de l’UCL. Elle poursuit : « Si nous espérons tous vivre longtemps en bonne santé, en réalité, nombre d’entre nous rencontrent, à un moment donné, des problèmes de santé qui viennent compromettre cette qualité de vie. Ces périodes de maladie, combinées aux années des décès prématurés, forment ce que l’on appelle une perte d’années de vie en bonne santé*. Et en la matière, la Belgique s’en sort moins bien que de nombreux autres pays d’Europe. »
Nous progressons, mais moins vite que d’autres pays
Malgré tout, la Belgique enregistre des progrès. En 1990, nous perdions ainsi encore 26 000 années de vie en bonne santé par 100 000 habitants, contre 20 000 en 2016. Mais cette amélioration est moins marquée que dans d’autres pays d’Europe. Entre 1990 et 2016, nous sommes donc passés de la 8e à la 15e position, si l’on établit un classement des 28 États membres actuels de l’Union européenne.
Le tabac, l’alcool et les habitudes alimentaires comme facteurs de risque majeurs
« Un tiers de notre perte d’années de vie en bonne santé est imputable à des facteurs que nous pourrions, en principe, influencer : les personnes qui ne mangent pas sainement, qui fument et qui boivent beaucoup perdront plus d’années de vie en bonne santé, » explique le Dr Maertens de Noordhout.
Nous perdons ainsi :
- 2400 années de vie en bonne santé à cause du tabac ;
- 1800 années de vie en bonne santé à cause de mauvaises habitudes alimentaires ;
- 1600 années de vie en bonne santé à cause de l’alcool.
D’autres facteurs connus sont les risques professionnels (amiante, tabagisme passif, etc.), la pollution de l’air et le manque d’activité physique.
Moyen idéal de mesurer si les Belges vivent longtemps en bonne santé
Sciensano a basé son analyse sur des statistiques de l’Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME), qui recueille pour chaque pays des données sur plus de 333 maladies et lésions, ainsi que sur 84 facteurs de risque. Toutefois, ces chiffres doivent être interprétés avec prudence, car ils reposent sur des calculs statistiques et, car les différences sont parfois minimes d’un pays à un autre. En tout état de cause, les statistiques nationales de l’IHME constituent, à ce jour, la méthode la plus fiable pour étudier dans quelle mesure nous vivons « toute une vie en bonne santé » et comment la situation évolue au fil du temps. Sciensano va encore davantage s’investir dans les études de ce genre, qui permettent d’exposer de nouvelles tendances auxquelles les politiques en matière de santé peuvent répondre.
Parallèlement aux facteurs de risque, les maladies ont également eu leur place dans l’analyse. Leur influence sur la perte d’années de vie en bonne santé peut toutefois évoluer, comme le montrent les deux exemples ci-dessous.
- Recul de l’influence de la rougeole grâce à une prévention ciblée
Grâce à la politique de santé menée en Belgique, l’effet négatif des maladies infectieuses est aujourd’hui limité. En 1990, la rougeole était encore responsable de 3,3 des 26 000 années de vie perdues pour 100 000 habitants. L’amélioration de la prévention (vaccination) a permis de réduire ce chiffre à 0,16 des 20 000 années de vie perdues pour 100 000 habitants en 2016. Si l’on parle en chiffres absolus, cela représente environ 80 000 nouveaux cas de rougeole en 1990, contre une cinquantaine à peine en 2016. La prévention a donc connu une très nette amélioration. - Les douleurs lombaires à la première place
Si les maladies cardiaques ischémiques (infarctus et rétrécissement des artères coronaires) ont enregistré une baisse draconienne, passant de 2700 à 1100 années de vie perdues pour 100 000 habitants de 1990 à 2016, les douleurs lombaires sont restées constantes. Responsables de la perte de 1300 années de vie en bonne santé pour 100 000 habitants, les douleurs lombaires prennent ainsi la tête du classement, devenant, en 2016, la pathologie ayant entraîné la plus grande perte d’années de vie en bonne santé.
L’analyse des tendances de ce type permet de concevoir une politique de santé sur mesure, en phase avec les besoins réels.
Consultez l’article scientifique [2] de cette étude.
* Les années de vie en bonne santé sont les années que vous passez en bon état de forme, non compromises par une perte en qualité de vie résultant d’une maladie. Prenons l’exemple concret d’une personne née en parfaite santé, qui pourrait, en théorie, vivre jusqu’à 90 ans. Cette personne tombe malade à son 20e anniversaire et perd un quart de sa qualité de vie à cause de cette maladie. Elle vit encore 40 ans après la déclaration de sa pathologie et décède donc prématurément à l’âge de 60 ans. La perte d’années de vie en bonne santé se calcule en additionnant :
- les périodes de maladie pondérées : perte de qualité de vie de 25 % pendant 40 ans, soit un total de 10 ans ;
- années entre le décès réel prématuré et le décès théorique : perte de 30 ans en décédant à 60 ans au lieu de 90 ans.
Soit un total de 40 ans.
Contact
Charline Maertens de Noordhout, ex-scientifique chez UCLouvain (FR)
Brecht Devleesschauwer, scientifique chez Sciensano (NL)
Cette étude a été réalisée en collaboration avec l’Institut de recherche santé et société [3] de l’Université catholique de Louvain (UCLouvain).