L’été 2022 a été fort chaud et a été marqué par l’activation de la phase d’avertissement du plan chaleur à 4 reprises. Sciensano a constaté une surmortalité estivale importante, avec des grandes disparités en fonction du sexe et de l’âge. La surmortalité a principalement touché les femmes, surtout à partir de 85 ans. Toutes causes confondues, l’été dans son ensemble a été marqué par une surmortalité de 2 291 décès, soit 5,7% de plus par rapport aux prédictions de Be-MOMO (Belgian Mortality Monitoring). C’est la surmortalité estivale la plus importante depuis les 20 dernières années. A part la chaleur, la COVID-19 a continué également de faire des victimes avec 1 098 décès au cours de l’été, mais les décès COVID-19 n’expliquent pas à eux-seuls la surmortalité de la période estivale 2022.
Un été fort chaud
Lors de l’été 2022, la phase d’avertissement du plan Forte chaleur et pics d’ozone a été activée 4 fois dans notre pays.
- Première phase d’avertissement du 15 au 18 juin inclus
- Deuxième phase d’avertissement du 14 au 20 juillet inclus
- Troisième phase d’avertissement du 6 au 17 août inclus
- Quatrième phase d’avertissement du 22 au 26 août inclus
Durant le troisième épisode, nous avons connu une vague de chaleur, c’est-à-dire des températures maximales (Tmax) supérieures à 25°C pendant cinq jours consécutifs avec au moins trois jours à plus de 30°C. De longues périodes de chaleur (et les jours d’après) sont en général marqués par un excès de mortalité. Bien que Sciensano n’établit pas de lien de causalité via le Belgian Mortality Monitoring (projet Be-MOMO), la coïncidence entre la surmortalité et des pics de chaleur et d’ozone est un constat récurrent.
Figure 1 — La surmortalité pour l’ensemble de la population et par groupes d’âge, les concentrations d’ozone (maximum journalier de la moyenne sur 8h) et les températures, été 2022, Belgique
Comment lire ce graphique ? Quand le nombre de décès par jour (ligne orange) dépasse les bornes supérieures ou inférieures des décès prévus par la modélisation (intervalle de prédiction, lignes pointillées grises), il y a une surmortalité ou une sous-mortalité statistiquement significative dans ce groupe d’âge.
La première phase d’avertissement de l’été fut la plus courte, elle dura 4 jours (15 au 18 juin). Durant cette période nous avons connu les facteurs de risque habituels comme l’élévation des températures (deux jours avec des Tmax aux alentours de 30°C à Uccle, ainsi qu’une nuit à 19°C) et des concentrations élevées d’ozone dès le 14 juin. Du 15 jusqu’au 18 juin inclus, le nombre de décès par jour a atteint un pic le 18 juin (326 décès). Plusieurs jours de surmortalité ont été observés, mais principalement autour du 18 juin en Flandre et en Wallonie à partir de 65 ans. Sur cette période, il y a eu 133 décès supplémentaires (12,2% d’excès de mortalité) (Tableau 1). Dans la même période, il y a eu 22 décès associés à la COVID-19.
Tableau 1 — La surmortalité durant le premier épisode de chaleur du 15 au 18 juin 2022, en Belgique et par région de résidence. (Le nombre de décès en excès est calculé séparément par groupe d’âge et par région. Cela explique pourquoi la somme des chiffres par sous-groupe peut différer du total.)
La deuxième phase d’avertissement fut activée le 14 juillet et la chaleur débuta le 17 juillet avec des Tmax à 26,5°C. Les Tmax observés ont été les plus élevées des quatre phases d’avertissement, avec 33,7°C et 38,1°C les 18 et 19 juillet et une nuit à 20,4°C (19 juillet). En plus des dépassements du seuil d’ozone, nous avons connu un jour de dépassement des particules fines PM2.5 en Flandre et à Bruxelles (20 juillet). Une surmortalité a été observée à partir du 18 juillet à Bruxelles et a touché l’ensemble de la population les 19 et 20 juillet. Du 17 jusqu’au 20 juillet inclus, le nombre de décès par jour a atteint un pic le 19 juillet (323 décès). Sur cette période, il y a eu 152 décès supplémentaires (14,4% d’excès de mortalité) (Tableau 2). Dans la même période, il y a eu 50 décès associés à la COVID-19.
Tableau 2 - La surmortalité durant le deuxième épisode de chaleur du 17 au 20 juillet 2022, en Belgique et par région de résidence. (Le nombre de décès en excès est calculé séparément par groupe d’âge et par région. Cela explique pourquoi la somme des chiffres par sous-groupe peut différer du total.)
La troisième phase d’avertissement fut la plus longue de l’été. La chaleur débuta le 9 août (27,6°C), et se poursuivit par une vague de chaleur avec 5 jours consécutifs entre 30,6°C et 32,1°C et une nuit à 18,7°C (15 août). Il y a eu une dizaine de jours de dépassement du seuil d’ozone avec des pics importants les 11 et 12 août autour des 150 µg/m3 (maximum journalier de la moyenne sur 8h) et deux dépassements de PM2.5 en Flandre et à Bruxelles (17 et 18 août). La surmortalité débuta le 9 août en Flandre et fut observée un peu plus tard en Wallonie (13 août). Le 14 août, une surmortalité s’observe pour l’ensemble de la population. Du 9 au 17 août inclus, le nombre de décès par jour a atteint un pic le 14 août (327 décès). Sur cette période, il y a eu 335 décès supplémentaires (14,1% d’excès de mortalité) (Tableau 3). Dans la même période, il y a eu 95 décès associés à la COVID-19.
Tableau 3 - La surmortalité durant le troisième épisode de chaleur du 9 au 17 août 2022, en Belgique et par région de résidence. (Le nombre de décès en excès est calculé séparément par groupe d’âge et par région. Cela explique pourquoi la somme des chiffres par sous-groupe peut différer du total.)
Il n’y a que 4 jours qui séparent la troisième de la quatrième phase d’avertissement. Lors de celle-ci, la chaleur a commencé le 22 août (27°C). Durant cette période, il y a eu deux jours avec des Tmax à 30,7°C et 32,5°C (24 et 25 août), une nuit à 18,5°C (25 août) et plusieurs dépassements du seuil d’ozone. La surmortalité a débuté le 22 août dans toutes les régions. Le 23 août, la surmortalité a été observée pour l’ensemble de la population bruxelloise. A l’échelle nationale, le 25 août est le jour avec une surmortalité pour l’ensemble de la population, et plus particulièrement les 65-84 ans, principalement chez les femmes. Du 22 au 26 août inclus, le nombre de décès par jour a atteint un pic le 25 août (324 décès). Sur cette période, il y a eu 187 décès supplémentaires (14% d’excès de mortalité) (Tableau 4). Dans la même période, il y a eu 33 décès associés à la COVID-19.
Tableau 4 — La surmortalité durant le quatrième épisode de chaleur du 22 au 26 août 2022, en Belgique et par région de résidence. (Le nombre de décès en excès est calculé séparément par groupe d’âge et par région. Cela explique pourquoi la somme des chiffres par sous-groupe peut différer du total.)
Une surmortalité importante sur l’ensemble de l’été
Sur la période estivale (du 16 mai au 9 octobre 2022, semaines 20 à 40), pour l’ensemble de la population, la surmortalité (toutes causes confondues) est importante avec 5,7% d’excès de mortalité, soit 2 291 décès supplémentaires.
L’été 2022 dans sa totalité présente une surmortalité plus élevée par rapport à ce que nous avons observé lors des étés 2021 (3,5% et 1 346 décès supplémentaires), 2020 (4,3% avec 1 687 décès supplémentaires) et 2019 (3,1% et 1 188 décès supplémentaires). De plus, c’est la surmortalité estivale la plus importante depuis les 20 dernières années. Les facteurs de risques météorologiques et environnementaux ont été plus nombreux et intenses que lors des deux étés précédents. Nous avons eu 42 jours de dépassements du seuil d’ozone (>100 µg/m3, moyenne maximale sur 8 heures), contre 17 en 2021 et 34 en 2020. Si nous considérons les Tmax, nous avons eu 45 jours avec des Tmax supérieures à 25°C, contre 18 en 2021, et 32 en 2020. Il y a eu 13 jours avec des températures supérieures à 30°C, contre aucun en 2021 et 12 jours en 2020.
D’importantes differences de surmortalité en fonction du sexe et de l’âge
« Cet été, nous observons une surmortalité plus élevée chez les femmes, principalement à partir de 85 ans. Or, chez les hommes, nous constatons une surmortalité plus faible, surtout chez les moins de 85 ans» dit Natalia Bustos Sierra, chercheuse chez Sciensano.
Depuis le début de la période estivale, il y a eu 2 114 décès supplémentaires chez les femmes (10,6% d’excès de mortalité), dont 1 436 décès supplémentaires chez les femmes à partir de 85 ans (14,1% d’excès de mortalité) (Figure 2). C’est très élevé par rapport à ce qu’on a l’habitude d’observer et c’est visible dans les chiffres des trois régions. A titre de comparaison, nous avions 95 décès supplémentaires dans ce groupe d’âge durant l’été 2021 (0,9%) et 637 durant l’été 2020 (6,1%).
Chez les hommes (Figure 3), nous constatons une surmortalité beaucoup plus faible (350 décès supplémentaires, 1,8%) durant la période estivale 2022 par rapport aux étés précédents. Ceci s’explique par une surmortalité plus faible que d’habitude chez les hommes entre 65 et 84 ans (1,6% avec 158 décès supplémentaires) malgré une surmortalité plus élevée à partir de 85 ans (4,7% avec 297 décès supplémentaires). En effet, nous avions 603 décès supplémentaires chez les hommes entre 65 et 84 ans durant l’été 2021 (6,5%) et 270 durant l’été 2020 (2,9%), alors que pour les hommes à partir de 85 ans, nous observions 51 décès supplémentaires durant l’été 2021 (0,8%) et 163 durant l’été 2020 (2,7%).
Juste avant le troisième épisode de chaleur, un pic de surmortalité s’observe principalement chez les femmes, coïncidant avec une augmentation de courte durée des températures (32°C à Uccle le 3 août).
Sciensano ne dispose pas encore des causes de décès spécifiques et de ce fait, il n’est pas possible d’identifier la chaleur comme la cause prouvée de la surmortalité.
Figure 2 — La surmortalité parmi les femmes, les concentrations d’ozone (maximum journalier de la moyenne sur 8h) et les températures, été 2022, Belgique
Figure 3 — La surmortalité parmi les hommes, les concentrations d’ozone (maximum journalier de la moyenne sur 8h) et les températures, été 2022, Belgique
La COVID-19 cet été
La période estivale correspond à la 7e vague de l’épidémie dans notre pays, celle-ci ayant débuté le 30 mai. Le pic des décès COVID-19 durant cette 7e vague correspond à la semaine du 18 juillet (semaine 29) soit la semaine la plus chaude de cet été durant le deuxième épisode de chaleur.
Au cours de l’été 2022, 1 098 décès associés à la COVID-19 ont été rapportés. Comparé aux décès supplémentaires toutes causes confondues, nous observons des disparités en fonction du sexe (Tableau 5). En effet, chez les femmes, le nombre de décès supplémentaires toutes causes confondues est plus élevé que le nombre de décès COVID-19, alors que c’est l’effet inverse chez les hommes, principalement chez les hommes de 65-84 ans. La COVID-19 a continué à causer des décès, mais ces décès COVID-19 n’expliquent pas à eux-seuls la surmortalité de la période estivale 2022.
Tableau 5 — La surmortalité et le nombre de décès associés à la COVID-19 durant la période estivale du 16 mai au 9 octobre 2022 en Belgique
Supplément
Surmortalité : si plus de personnes décèdent que prévu
Sur la base des années précédentes, nous pouvons estimer combien de personnes décéderont durant l’été (ce que l’on appelle les décès attendus). Si, en réalité, plus de personnes décèdent que ce qui est attendu, on parle de surmortalité ou de décès supplémentaires. Ces décès supplémentaires surviennent souvent pendant (ou 1 à 3 jour(s) après) les épisodes de chaleur ou les jours avec des concentrations élevées d’ozone.
Les données de mortalité toutes causes confondues pour l’été 2022 ont été extraites à la date du 22 octobre 2022. Les données de mortalité COVID-19 pour l’analyse de la période estivale 2022 ont été extraites à la date du 25 octobre 2022.